Cinéma (
17 mars 2011)
Le
discours d’un Roi
Comment Bertie devient George VI. Ou le combat d’un homme contre ce
bégaiement qui l’empêche d’être lui-même. Le film primé aux Oscars évoque le
combat intime d’un célèbre homme d’Etat face à un trouble bien encombrant.
Lorsque le roi George V
meurt, en janvier 1936, c’est son fils aîné, le prince Édouard qui monte sur
le trône d’Angleterre. Puisqu’il n’a pas d’enfant, son frère cadet, Albert,
se retrouve premier dans l’ordre de succession.
Moins d’un an plus tard,
Édouard VIII abdique en faveur de son frère, pour épouser l’américaine, et
deux fois divorcée, Wallis Simpson. Albert, duc d’York devient George VI,
troisième monarque de la Maison de Windsor.
Voila pour le grande
histoire. Le réalisateur Tom Hooper la revisite par le biais très intime du
bégaiement dont était atteint le roi. Cette « perturbation de la fluence
verbale », comme le définit l’Association internationale Parole Bégaiement,
dont on trouve déjà une description dans le Livre de l’Exode, apparait dans
toutes les cultures et tous les groupes ethniques. Le bégaiement touche 1%
de la population, et, sans qu’aucune explication ne puisse être avancée,
quatre sujets masculins pour un sujet féminin. Il affecte l’ensemble de la
personne et peut être décrit comme la combinaison de troubles de la parole,
de la communication et du comportement. Il n’existe toujours aucun accord
sur la genèse du bégaiement, aucune théorie n’étant universellement admise
(1).
Le film parle donc du
combat intime de cet homme qui ne voulait pas être roi, et de sa rencontre
avec un orthophoniste fort peu conventionnel et même légèrement
irrévérencieux, Lionel Logue. L’un semble ne connaître de la vraie vie que
ce qu’il en voit au travers des vitres de sa voiture avec chauffeur,
l’autre, acteur raté, petit-bourgeois, égalitariste et empathique, s’obstine
à appeler son patient “Bertie”.
La mise en scène est des
plus classiques, élégante mais sans surprise. Les acteurs sont totalement
éblouissants : Colin Firth magistral dans le rôle du roi, qui rend visible
la souffrance du bègue et l’angoisse du mot qui coince; Geoffrey Rush, d’une
troublante complexité dans le rôle du thérapeute. Dans celui de la (future)
reine Mum, Helena Bonham Carter, est délicieuse quand elle susurre “I’m
getting plump”, je me fais boulotte. So british !
Là où ça coince un peu,
c’est sur le fond. Quand le film suspend le sort de l’Europe à la fluidité
du discours de George VI, prononcé le 4 septembre 1939, et qui fait
officiellement entrer le pays en résistance contre le nazisme. Quand on voit
un Churchill apporter son soutien indéfectible au nouveau roi, lui qui resta
loyal au “roi naturel” Édouard VIII. Pas un mot sur l’attitude de la
monarchie britannique face à “l’émigration clandestine juive” vers
l’Angleterre. Pas un mot, pas une image, sur les effroyables souffrances qui
suivront...
// Linda Léonard
>>
Le discours d’un roi,
de Tom Hooper, avec Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Boham Carter. 1h51
(1) Plus d’infos : Association internationale Parole
Bégaiement, qui reconnaît dans ce film une justesse de ton et une excellente
image de la relation thérapeutique nécessaire au traitement du bégaiement.
www.begaiement.org. Pour l’antenne
belge : 071/87.89.23.
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