Cinéma
(19 avril 2007)
Goodbye
Bafana
Le Danois Bille August retrace
la vie du gardien du plus célèbre prisonnier d’Afrique du Sud, Nelson
Mandela, et de leur improbable amitié.
A la fin des années soixante,
l’Afrique du Sud vit sous le régime de l’apartheid. Vingt-cinq millions de
Noirs n’ont pas accès à l’éducation. Ils n’ont ni le droit de voter, ni de
posséder des terres, ni même un logement, «C’est dans l’ordre naturel des
choses, tel que Dieu l’a voulu». Bien déterminés à garder le pouvoir, les
4 millions de Blancs interdisent tout regroupement ou association, toute
manifestation d’opinion. Les leaders noirs sont obligés de s’exiler ou
sont emprisonnés à vie sur Robben Island. James Gregory, un Afrikaner qui
a grandi dans une ferme du Transkei, est gardien de prison et voit comme
une promotion son affectation à la surveillance exclusive du prisonnier
466/64. Ce dernier est un communiste, un terroriste dangereux, un sauvage.
C’est le leader de l’ANC, le Congrès National Africain, l’auteur de la
Charte de la Liberté, c’est Nelson Rolihlahla Mandela. Gregory sera son
geôlier, son censeur, puis son confident, et enfin son ami.
«Goodbye Bafana» n’est pas une
biographie de Nelson Mandela. Un peu comme «Amadeus» de Milos Forman où on
découvre Mozart par les yeux de Salieri, le film du danois Bille August,
détenteur de deux Palmes d’or à Cannes («Pelle le Conquérant» en 88 et
«Les Meilleures Intentions» en 92) prend pour point de départ le livre
d’entretiens de James Gregory, mort en 2003. Il tire le portrait d’un
homme et de sa famille, dans un pays coupé du monde, sous-informé, mal
éduqué. Peu à peu, au contact de Mandela, Gregory va ouvrir les yeux sur
les réalités de son pays, prendre conscience de l’injustice faite aux
Noirs et entrer en dissidence. Là où ça pèche un peu, c’est qu’on aurait
été nettement plus curieux des discussions du gardien avec son prisonnier,
de sentir comment elles ont fait évoluer un homme et une nation, plutôt
que des préoccupations capillaires de sa dame, la blonde Diane Kruger.
Dans le rôle du sergent Gregory, Joseph Fiennes («Shakespeare in Love»)
est un peu fade face à Dennis Haysbert (le président Palmer de «24 heures
Chrono»), tout pétri d’admiration pour son personnage et qui a juste
besoin de paraître pour impressionner.
«Dans ‘Goodbye Bafana’,
explique le réalisateur, il n’est pas question de bien ou de mal, de noir
ou de blanc, mais de la possibilité d’évoluer, et de l’importance de la
réconciliation». Cela donne un film tenu, un peu conventionnel peut-être,
mais dont se dégage une réelle émotion.
Linda Léonard
Goodbye Bafana, mis en scène
par Bille August. Scénario de Greg Latter. Avec Joseph Fiennes, Dennis
Haysbert, Diane Kruger. 1h58’.
D’après le livre de James
Gregory: Le regard de l’antilope. Mandela, mon prisonnier, mon ami. Robert
Laffont 1996.
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