Cinéma (20
septembre 2012)
Tango libre
Amoureux de
la femme d’un détenu, un gardien de prison fait, malgré lui, débouler le
tango dans l’univers carcéral et ses tensions. Un film sur l’amour,
transcendé par la danse.
Frédéric Fonteyne ne comprend rien aux femmes.
C’est lui-même qui le dit, en marge de son nouveau film “Tango libre”,
tourné de nombreuses années après “Une liaison pornographique”
(1999) et “La femme de Gilles” (2004). Il choisit donc de les
filmer n’hésitant pas, pour ce nouvel opus, à forcer la dose sans pour
autant verser dans la satire ou la caricature.
Son univers est ici
celui de la danse et de la prison. Nous sommes en Belgique dans les années
septante. “JC” (François Damiens) est maton. Un jour, en surveillant le
parloir, il aperçoit Alice, une jeune femme dont il a fait la connaissance
quelques jours plus tôt lors d’une leçon de tango, son unique moment…
d’évasion dans une existence assez morne. La jeune femme, mère d’un ado un
peu turbulent, lui tape dans l’œil. Problème : le règlement lui interdit
formellement tout contact avec la famille d’un prisonnier.
Ainsi lancé, le
film aurait pu basculer dans l’eau de rose ou une partie de cache-cache
entre JC et les autorités pénitentiaires. Mais ce n’est pas de cela dont le
réalisateur a envie de parler. Malgré ses efforts pour la contenir, la
passion commune entre JC et Alice – le tango – déboule comme une vague
furieuse jusque dans l’enceinte de la prison. Et, avec elle, les sentiments
qui font l’identité même de cette danse: passion, séduction, compétition,
confrontation, manipulation… Un cocktail d’autant plus explosif qu’Alice n’a
pas vraiment choisi la voie la plus facile dans sa vie sentimentale : elle
partage son cœur entre deux hommes - mari et amant - tous deux incarcérés
(dans la même cellule!) à la suite d’un braquage sanglant. Derrière les
barreaux, tous deux, pourtant bien différents, sont restés des potes…
“Tango libre”,
qui interpellera notamment les intervenants sociaux du monde pénitentiaire,
n’est pourtant ni un film sur les conditions de vie carcérales, ni sur le
tango. Mais tous deux nourrissent une toile de fond insolite (et très
souvent cocasse, tendre, émouvante) pour des interrogations sans réponse.
Jusqu’où peuvent nous mener l’amour et la passion? Menacent-ils
perpétuellement de nous transformer en pantins ou en idiots? Parviennent-
ils finalement à nous libérer, au terme d’un parcours émaillé de
déchirements ?
Si la fin de “Tango
Libre” peut irriter (le film bascule dans un registre qu’on taira ici),
on n’en reste pas moins séduit par le jeu des acteurs (merveilleux Jan
Hammenecker et Zacharie Chasseriaud, pour ne parler que d’eux!), la qualité
des couleurs et des plans (virevoltants comme la danse) et l’accompagnement
musical finement amené. “Ce n’est pas une histoire réaliste,
commente Frédéric Fonteyne. Et, pourtant, elle exprime pour moi une
vérité sur ce que nous sommes. Des êtres qui dépassent tout réalisme”.
// PHL
>> Tango Libre •
de Frédéric Fonteyne • avec François Damiens, Sergi
Lopez, Jan Hammenecker, Anne Paulicevich, Zacharie Chasseriaud…• 1 h 37 min
• Le film fera l’ouverture du 27ème festival de Namur (FIFF) et sortira en
salle en Belgique le 7 novembre.
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