Bandes dessinées
(5 avril 2012)
Chroniques de Jérusalem
Guy
Delisle est reconnu comme dessinateur de talent. Ses voyages aux longs cours
servent de trames à ses albums. Après la Chine, le Birmanie et la Corée du Nord,
il livre “Chronique de Jérusalem”. La BD a été largement saluée par la critique(1).
“Les histoires
viennent à moi, et je les raconte”,
explique Guy Delisle habitué des récits aux accents autobiographiques. Pour ce
Canadien, conjoint d’une employée de Médecins sans frontières et père de deux
enfants, il faut dire que la vie ne manque pas de découvertes. Entre août 2008
et juillet 2009, il suit sa compagne en mission humanitaire dans la bande de
Gaza. Le voilà pour un an plongé dans la réalité bien complexe de Jérusalem.
Depuis leur appartement situé à Jérusalem- est dans un quartier
arabe assez déshérité, l’auteur explore la ville et livre ses observations.
Comme n’importe quel quidam expatrié, il cherche ses marques : une garderie pour
ses enfants, des plaines de jeux, des moments propices pour exercer son métier –
exportable heureusement. Curieux de nature, un carnet de croquis à la main, il
s’aventure dans la ville renfermant les lieux les plus sacrés des religions
juive et chrétienne, une ville toute empreinte du conflit israélo-palestinien. “Au
détour d'une ruelle, à la sortie d'un lieu saint, à la terrasse d'un café, le
dessinateur laisse éclater des questions fondamentales”, annonce l’éditeur
Delcourt.
En effet, avec Guy Delisle, on découvre tout autant que l’on
s’étonne ; on s’enfonce dans l’inextricable et l’on est marqué par
l’incompréhension, voire la stupéfaction. Face aux guéguerres qui opposent les
confessions autour des lieux saints, face aux check-points qui assurent la
ségrégation, face aux multiples routes barrées, aux comportements tout entiers
marqués par le morcellement des sociétés israéliennes et palestiniennes. On est
comme glacé face à cette rue marquée d’une ligne jaune pour une circulation
séparée des arabes et des juifs, face à ce jeune homme occupé simplement à son
jogging mais avec un fusil d’assaut en bandoulière, face à ce filet déployé
au-dessus de la rue pour réceptionner les projectiles des occupants des étages
afin qu’ils n’atteignent pas les passants de l’autre confession, face au mur,
marque omniprésente du conflit, de sa violence. L’obsession de la sécurité
obligera souvent le dessinateur à plier bagage, à ranger ses crayons pour aller
ailleurs.
Guy Delisle raconte tout cela avec le style qui lui correspond:
une forme de réalisme teinté d’humour. Il n’entre pas dans l’explication ; il
fait “ressentir la ville”. Il veut que ceux qui connaissent les lieux
reconnaissent les coins de rues, les bâtiments, l’ambiance qui y règne. Tandis
que ceux qui n’en ont aperçu que les images de JT, y trouveront un autre regard
moins flash, moins trash, mais tout autant interpellant. Le site du dessinateur
– www.guydelisle.com – est une mine pour
le lecteur envieux de prolonger sa lecture : pour l’une ou l’autre planche, Guy
Delisle y a glissé des commentaires, des photographies, des cartes, des liens. A
bon entendeur.
// CATHERINE DALOZE
(1) Chronique de Jérusalem a décroché le Fauve d’Or du meilleur
album de bande dessinée de l’année 2011 au festival d’Angoulême.
>> Chronique de Jérusalem • Guy
Delisle • éd. Guy Delcourt • coll. Shampooing • 2011 • 334 p. • 25,50 EUR.
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