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A suivre... (4 décembre 2014)

Tous les fusils ne tuent pas

Extrait du film “Nous consommons, mais à quel prix ?
© CNCD

Novembre est derrière nous et, avec lui, la devenue coutumière opération 11.11.11. Bousculante, elle nous a entrainé à voir le monde derrière chaque aliment. Et ce n'est pas toujours du joli. À leur tour, les mots "coups de poing" du bouillonnant Jean Ziegler, militant du droit à l'alimentation, interpellent. Autant d'appels à une conscience éveillée.

Nous consommons, mais à quel prix ? Durant le mois de novembre, l'opération 11.11.11 a interpellé le passant, le téléspectateur, le client. Son intention ? Mettre en lumière "les scandales à répétition" qui entourent notre modèle agro-industriel, lancé dans une course folle au prix le plus bas(1). En pâtissent les petits agriculteurs, les terres fertiles aux quatre coins de la planète, une large part de la population mondiale moins nantie, voire exploitée. Le paradoxe est insoutenable: alors que l'on produit aujourd’hui dans le monde plus de nourriture qu’il n’en faut pour nourrir la planète, près d'un milliard de personnes souffrent de la faim. Et pour ajouter à cette invraisemblance pourtant bien réelle, les affamés sont pour la plupart des paysans et des pêcheurs, "ceux-là mêmes qui sont censés nourrir la planète !".

Dans la voix de l'octogénaire Jean Ziegler qui vient de reprendre son bâton de pèlerin médiatique, on entend cette révolte. "La faim, principale cause de décès sur notre planète, est faite de main d'homme", répète le militant inlassable qui fut rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation. "La faim n'est plus un problème d'insuffisance de la production mais d'accès à la nourriture", poursuit-il en dénonçant, avec l'énergie d'un homme insurgé par-delà les ans, la tyrannie des multinationales, la domination des lois du marché. "Selon l'Annuaire de la Banque mondiale, en 2013, les 500 sociétés transcontinentales privées les plus puissantes, tous secteurs confondus, contrôlaient 52,8% du produit mondial brut, c'est-à-dire de toutes les richesses – capitaux, marchandises, services, brevets… - produits en une année sur la planète, écrit-il. (…) Elles fonctionnent – ce qui est parfaitement normal – selon un seul principe : la maximalisation de leurs profits dans le temps le plus court". Sans souci du bien commun, sans contrôle démocratique, regrette un Jean Ziegler à la rhétorique guerrière.

Son dernier opus – édition revisitée de son Manuel de sociologie d'opposition paru voici 30 ans – invite à "retourner les fusils"(2), à "choisir son camp". S'agit-il d'aller "flinguer son banquier" ?, ironise un journaliste qui l'interviewe pour l'hebdomadaire français Le Point. Et l'homme de préciser ce qu'il entend. Pas question ici de violence physique. Mais bien une détermination à faire œuvrer pleinement la démocratie, à activer les armes constitutionnelles entre autres contre la spéculation boursière sur les biens alimentaires. Comme d'autres, Jean Ziegler pense qu'il faudrait l'interdire, empêcher aussi les pratiques de dumping, désendetter les pays du Sud… "Face à ce monde cannibale, les démocraties ne doivent pas rester indolentes", lance-t-il.

Dans son livre aux accents conceptuels, il détaille néanmoins deux exemples internationaux de "résistance", comme un avant-goût de ce qui est possible, comme une preuve qu'il ne s'agit pas d'une utopie. La bataille pour les droits des paysans au travers du mouvement mondial Via Campesina et, dans un autre domaine, Clean Clothes Campaign, connue en Belgique par l'action d'AchACT(3).

"Des citoyens ordinaires, des mères de famille, des collégiens sont allés manifester devant les magasins de vêtements, de chaussures de sport, pour imposer aux grandes marques comme Benetton, Nike, Adidas de moins maltraiter les malheureuses ouvrières du Bangladesh, après l'effondrement de l'immeuble Rana Plaza à Dacca, qui a fait plus de 1.300 morts. Leur requête : 'Pas de sang sur mes vêtements.' Ces grands groupes, qui tiennent à leur réputation, ont partiellement cédé sur les salaires minimums, l'hygiène, le droit de se syndiquer. C'est cela que j'appelle 'Retournez les fusils!'", explique le sociologue.

Parlant d'aliénation, de conscience homogénéisée, la verve de Jean Ziegler est fortement empreinte d'idéologie très marquée à gauche et s'élève radicalement contre le monde capitaliste. Sa rhétorique, de même que sa cible unique agaceront certains. Son mérite : rappeler notre désir inné de solidarité, contrer notre sentiment d'impuissance, inviter à donner un sens collectif à nos vies. "Souciez-vous, en quittant ce monde, non d'avoir été bons, cela ne suffit pas, mais de quitter un monde bon !", engage-t-il citant le poète allemand Bertolt Brecht.

//CATHERINE DALOZE

(1) http://www.aquelprix.be/ Voir aussi par SOS faim : www.agriculturefamiliale.org

(2) Jean Ziegler, Retournez les fusils ! Choisir son camp, éd. du Seuil, 2014.

(3) Voir aussi www.solmond.be

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