A suivre...
(15 janvier 2009)
Le bonheur
au bout
du porte-monnaie?
La crise allait-elle
affecter les fêtes de fin d’année? Les dessous du sapin de Noël seraient-ils
dégarnis? Et les repas gargantuesques de saison connaîtraient-ils un hiver
plus frugal? Allions-nous en revenir à la seule orange comme cadeau précieux
fait à nos grands-parents quand ils étaient enfants à Noël? Et puis les
soldes qui suivent allaient-ils être privés de leurs affluences
traditionnelles?
L’heure
est à l’inquiétude, du côté de certains journaux télévisés, quotidiens ou
magazines. Ces questions font la Une. Les micros se tendent pour capter les
tendances, dans l’attente des chiffres de consommation qui indiqueront où en
est “le moral des ménages”.
Question
de bien-être?
Le “moral des ménages” le
voilà mesuré à la lumière des intensions d’achats et des perspectives
d’épargne. Régulièrement dans les communiqués de l’Institut de statistique
français, l’Insee, il est évalué d’après l’opinion des citoyens sur leur
environnement économique. Ainsi des groupes de personnes sont interrogés à
propos de leur situation financière, de leur niveau de vie, de leur capacité
à économiser... Une fois leurs comportements de consommateurs précisés,
seront jaugés leur optimisme ou a contrario leur déprime. Et d’expliquer par
exemple que l’opinion des ménages sur les évolutions passée et future du
niveau de vie en France s’est détériorée légèrement en décembre.
L’indicateur de l’Insee était remonté de trois points en novembre et avait
touché en juillet un plancher historique à -47 points. Consommation et
bien-être sont-ils ainsi liés de cause à effet?
“Les actes d’achats produisent de
l’adrénaline et un état d’euphorie que le neuromarketing exploite,
mais qui intoxique la société”
B. Stiegler |
“Je me suis fait plaisir”
dira celle qui vient de s’offrir une nouvelle veste, ou celui qui s’est
acheté le téléphone-baladeur-appareil photo intégré qui lui faisait de l’œil
ou le CD de ce groupe sur lequel il ne peut se retenir de dandiner dès qu’il
passe à la radio. Les – petits – plus à notre consommation quotidienne, on
les voit comme bons pour le moral…
Attention à l’acheteur compulsif
Les férus de psychologie
établissent des profils d’acheteurs qui intéressent au plus au point les
responsables marketing pour élargir le spectre de leur influence à l’achat.
On pensera au pragmatique qui achète utile, au chasseur de trésors, au
collectionneur, à l’adepte de l’auto-cadeau, à l’acheteur thérapeutique…
mais aussi au compulsif surendetté. Car, alerteront certains, l’excès existe
dans la consommation frénétique. Parmi eux cette association canadienne pour
la santé mentale qui évoque le “magasinage boulimique”, une
“véritable maladie” de la surconsommation, une dépendance qui donne à
l’achat une portée d’antidote à l’anxiété. A côté des dépendances qui
concernent l’alcool, les drogues, les jeux… on retrouve les achats.
Dépendance qui peut devenir pathologique, se transformer en assuétude.
Tous dépendants?
D’aucuns comme le philosophe
Bernard Stiegler, diront que la consommation est, pour la majorité devenue
addictive. De son point de vue, la consommation est “un système de
création de dépendance, sinon de toxicomanie”. “La consommation est devenue
une toxicomanie et ce qu’il nous faut, ce sont des cures de désintoxication,
avance-t-il (…). Le problème de l’économie, aujourd’hui, c’est qu’elle
offre à la fois le poison et un remède. C’est pour cela que l’on peut parler
d’actifs toxiques. D’ailleurs, on sait aujourd’hui que les actes d’achats
produisent de l’adrénaline et un état d’euphorie que le neuromarketing
étudie et exploite, mais qui intoxique la société” (1).
Il en appelle à une “économie de la contribution, où il n’y a plus d’un
côté les producteurs, de l’autre les consommateurs, mais partout des
contributeurs”. Il est loin d’être le seul à souhaiter que nous
revisitions nos comportements de consommateur.
Changement de cap
Elles ne sont pas rares les
invitations à une consommation responsable, à opérer en consomm’acteur, à
nous pencher sur les conséquences de nos actes d’achat. Certains ont pensé
remplacer la notion de produit national brut (PBI) par le BIB (bonheur
national brut), cherchant d’autres mesures du bien-être, des indicateurs
alternatifs. Plus récemment, des chercheurs nous enjoignaient à réfléchir
davantage à notre “vouloir d’achat” – c’est-à-dire nos envies et la pression
sociale qui les influence.
Dans cette créativité
ambiante pour changer de cap, est notamment apparu un principe au nom
évocateur: “la simplicité volontaire”. Le suivre, c’est privilégier
“une façon de vivre qui cherche à être moins dépendante de l’argent et de
la vitesse, et moins gourmande des ressources de la planète”. En
Belgique, un premier groupe de simplicité volontaire est lancé par les Amis
de la terre en 2003. “Se désencombrer”, c’est-à-dire éviter
l’accumulation de biens et de divertissements, vivre mieux avec moins est
l’objectif de la démarche. Aux velléités de propriété et de prestige, les
partisans de la simplicité volontaire préfèrent celle de l’échange et du
partage, préfère l’être à l’avoir.
Mais ces choix – pour ceux qui les ont – à l’échelle de l’individu
font-ils le poids? Changent-ils la tendance? D’après Serge Latouche,
économiste français auteur du livre “Le pari de la décroissance” :
“il ne faut pas culpabiliser les gens mais changer le système”.
Gageons cependant que nos comportements individuels sont influants.
Plaçons dès lors nos inquiétudes au-delà du résultat des soldes.
Catherine Daloze |
(1) “La consommation est une addiction”, entretien avec
B.Stiegler paru dans la revue Politique, n°57, décembre 2008, numéro
consacré à “L’économie supermarché”. Article consultable sur:
http://politique.eu.org/
(2) La démarche est décrite entre autres dans un article
publiés par les Equipes populaires: “Croître ou décroître? Réflexion autour
du modèle de croissance”, Points de repères, n°30, juin 2007 – voir :
www.e-p.be
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