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Psychologie (5 juin 2014)


L’Inde qui fait vaciller

© Matthieu Cornélis

L'Inde attire un nombre grandissant de voyageurs qui, généralement, n'en sortent pas indemnes. “On l’aime ou on la déteste”, diront certains à leur retour. Pourtant, le sentiment que laisse une telle expérience est difficilement réductible à ces deux propositions tranchées. Multiple, paradoxale, l’Inde est un pays fait de contrastes. Là où les clichés se confrontent à la réalité, les identités peuvent vaciller.

Il suffit d'ouvrir une bande-dessinée de la série Jonathan(1) pour imaginer l’Inde comme un pays “zen”, propice au ressourcement et au retour à soi. Dans les années 60 et 70, les témoignages des hippies allaient dans ce sens et décrivaient le pays comme tellement… “authentique”. Une authenticité que de nombreux touristes décident d'aller palper sur place en y ouvrant leurs chakras. En 2003, 17.309 Belges ont pris la route de Mumbai, Kolkata ou Delhi. Et ce chiffre augmente d'année en année : 29.156 en 2006, 34.393 en 2009 et 42.604 en 2012(2).

Qu’est-ce qui motive le choix de cette destination? “Depuis les années 60, le voyage en Inde s’est considérablement banalisé et massifié, observe Robert Deliège(3), professeur d’ethnologie à l’Université catholique de Louvain (UCL). La plupart des gens s’y rendent aujourd’hui par avion et dans des circonstances qui n’ont rien à voir avec celles du routard qui n’avait que quelques sous en poche. Il n’empêche que les motivations et les expériences qui en résultent sont multiples : certains y voient un univers de paix et de spiritualité tandis que d’autres sont, au contraire, frappés par la pauvreté et la saleté. Il y a aussi beaucoup de personnes qui se rendent en Inde pour affaires et y découvrent un autre monde encore…

Un pays fantasmé

La recherche du merveilleux et du lointain est une espèce de coquetterie occidentale dont on trouve des traces dans toute notre histoire”, affirme le spécialiste de l’Inde. Cela explique peut-être pourquoi le gouvernement indien encourage les touristes étrangers à chercher cette part de merveilleux dans le désert du Rajasthan, sur une route de l’Himalaya ou sur les rives du Gange. C’est avec ce type d'images stéréotypées que les campagnes de communication en faveur du tourisme sont élaborées, ceci véhiculant le mythe de “l’Inde aux milles couleurs”. Et ça marche : en 2012, plus 2.000 visiteurs étrangers visitaient quotidiennement le Taj Mahal, mausolée en marbre blanc sur les bords de la rivière Yamuna.

Tentée par l’expérience indienne pour “l’image spirituelle, les couleurs, la découverte d’une autre culture bien différente de toutes les autres, les croyances…”, Perrine prend la route du nord de l’Inde à 30 ans. Avant son voyage, elle imaginait le pays comme “chaud, lent, intense et très spirituel”. Une représentation un peu modifiée à son retour : “Les croyances imprègnent bien le pays mais elles n’ont que peu évolué depuis des millénaires. Il n’y a pas beaucoup de place pour l’humain. Il y a les injustices et puis aussi la course à l’occidentalisation”. L’Inde est plus que ce qui figure dans les catalogues des tour-opérateurs.

Tout est dans la nuance

Pays de contrastes, on y trouve des réalités troublantes et des conditions de vie parfois très difficiles. “Mais c’est aussi un pays de beauté, d’odeurs suaves et de générosité. Il y a mille leçons à en tirer. On y appréciera la simplicité et la gentillesse de beaucoup de gens ; mais parfois aussi les relations peuvent être impitoyables. En réalité, précise Robert Deliège, on y trouve tout l’éventail des relations humaines.” Et le professeur de tempérer un chouïa le mythe exotique : “Il y a plus de capitalistes, de paysans ou d’ouvriers d’usines que de gourous dans l’Inde contemporaine. La plupart des gens recherchent une certaine aisance matérielle, un emploi pour leurs enfants, une vie familiale heureuse…. En cela, ils diffèrent très peu de nous.

Pour Séverine de Laveleye, qui coordonne les projets internationaux de l'ASBL Quinoa dont un projet familial en Inde, “le choc culturel lié à la nourriture, la position de la femme et de la fille, la chaleur, la pauvreté très visible et culturellement marquée, sont les principales difficultés vécues par les voyageurs”. Mais elle précise qu’elles ne sont pas exclusives à l’Inde: “C’est valable pour de nombreux autres pays d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine.” Elle conçoit cependant que c’est “un pays dans lequel tous les sens du voyageur seront sur-mobilisés”.

Aurore, qui a vécu trois mois dans l’état du Tamil Nadu pour y réaliser son travail de fin d’études, se rappelle d’une expérience déstabilisante. “C’est une remise en question de nos valeurs, de nos normes et des manières de penser qu’on nous a transmis. On est parfois pas loin de perdre notre propre orientation. Ça dépend de notre bagage, de notre fragilité, de notre maturité.

Un pays qui peut rendre fou

L’Inde rendrait-elle fou ? C’est une question que s’est posé Régis Airault alors qu’il était détaché au consulat de France à Bombay. Le médecin-psychiatre a constaté qu’un véritable syndrome indien touchait les Occidentaux, plus particulièrement les adolescents et les jeunes adultes. Il lui semblait qu’en Inde plus qu’ailleurs l’identité de l’individu pouvait vaciller.

Sans prise de drogue, sans troubles psychiatriques antérieurs, certaines personnes éprouvent soudain un sentiment d’étrangeté et perdent contact avec la réalité. Un phénomène que Régis Airault relate dans un ouvrage, Fous de l’Inde, délires d’Occidentaux et sentiment océanique(4), avec de nombreux récits à l’appui. Comme celui de Paul qui, à 20 ans, part pour six mois en Inde. Un soir, au bord du Gange, à Varanasi, il se met brutalement à délirer et pense que les gens qu’il croise l’appellent Kali, du nom de la déesse hindoue de la destruction. Rapatrié d’urgence en France, il donne l’impression de se ressaisir. Mais ses idées délirantes reprennent : il rit sans raisons, dit que Kali lui parle et que sa mission est de “réunir une nation mystique”. Après hospitalisation, il ne présentera plus de troubles psychotiques.

Que lui est-il arrivé à Varanasi, ville-crématoire où les odeurs de bûchers funéraires côtoient celles des jasmins ? “Depuis son arrivée, précise l’auteur, Paul a été en permanence assailli par les scènes les plus sordides comme les plus esthétiques. Il n’a pas cessé d’être surpris. […] L’Inde c’est cela, l’imprévu au coin des rues, les flashes qui font crépiter l’inconscient. Il peut y avoir alors retour du refoulé, de choses enfouies en nous depuis longtemps qui souvent remontent à la surface et nous submergent.” Le principal intéressé, lorsqu’il évoquait son voyage, disait : “Je voulais découvrir la dinguerie de l’Inde. Mais là-bas, c’était comme si on m’avait ouvert le cerveau et qu’on piochait dedans.

Un phénomène rare

Chez Mutas, l'assistance voyage de la Mutualité chrétienne, le docteur Marie- Jo Oyen affirme ne jamais avoir du rapatrier un assuré Belge pour de tels problèmes psychiatriques. Même son de cloche chez Europ assistance qui rapatrie annuellement environ une trentaine de Belges de l'Inde, 6e pays le plus visité par ses assurés. Son porte-parole, Xavier Van Canaghen, explique que les principales raisons qui justifient un rapatriement sont, par ordre d’importance, la turista, les traumatismes sévères et les infections. “On ne déconseille à personne de partir en Inde. Toutefois, il faut s’assurer que la destination choisie puisse être supportable en fonction d’une pathologie connue. Les personnes cardiaques, par exemple, devront éviter les lieux agités, le stress des grandes villes ou encore les climats très chauds.

//MATTHIEU CORNÉLIS

(1) Cosey, éd. du Lombard

(2) Source : ministère du Tourisme de l’Inde : www.tourism.nic.in

(3) Robert Deliège, Voyage à Nowhere, itinérances orientales - 1973, éd. Téraèdre, 2006, 128 p.

(4) Régis Airault, Fous de l’Inde, délires d’Occidentaux et sentiment océanique, éd. Petite bibliothèque Payot, 2000, 240 p.

Partir tranquille

Pour éviter des soucis de santé en Inde, mieux vaut se renseigner sur les risques qui se présentent sur son itinéraire. Emmanuel Bal, docteur en médecine tropicale à la Travel clinic(1), prévient : “On ne prévoit pas les mêmes vaccins selon qu’on voyage dix jours en bus climatisé dans le Rajasthan ou trois mois sac au dos dans les zones reculées de l'Assam.

Pour un voyage “confortable”, trois vaccins sont spécifiquement recommandés: “le tétanos pour ne pas devoir courir à l’hôpital en cas de bobo idiot, un rappel de polio, qui sévit toujours en Inde, et l’hépatite A, plus communément appelée la jaunisse, qui se transmet par l’alimentation.

Pour un voyage plus aventureux, “il y a lieu d’ajouter trois vaccins: l’hépatite B, qui se transmet par le sang (transfusion, tatouage…) et par des relations sexuelles à risque, la fièvre typhoïde, qui se transmet aussi par l’alimentation, et la rage si le voyage est vraiment très aventureux (zones reculées…)”.

Lors de tout type de voyage, il est nécessaire de se protéger des moustiques. “L’encéphalite japonaise, bien que rare (une chance sur un million), est plutôt présente dans des lieux ruraux, à proximité des fermes car le porc est un des réservoirs de ce virus. La dengue, très présente lors de la saison des pluies, est transmise par des moustiques de jour. Ses symptômes ressemblent à ceux d’une grosse grippe. Enfin, la malaria est encore présente, essentiellement dans l’est de l’Inde. En général, on suggère au voyageur de prendre avec lui une boîte de médicaments d’urgence qu’il ouvrira en cas de grosse montée de fièvre (40°).” Porter des vêtements longs, clairs et utiliser des crèmes anti-moustiques font partie des précautions d’usage.

Enfin, puisque l’Inde est un pays ou, par endroits, l’hygiène n’est pas très bonne, ne pas oublier de se protéger du “péril fécal”. Il est fréquent de voir des aliments contaminés par des bactéries. Évitez le cru, privilégiez le cuit, refusez les glaçons dans les boissons fraîches. Les bouteilles d’eau non scellées sont à proscrire. Il existe des pastilles pour désinfecter l’eau, c’est toujours utile. “En cas de diarrhée, pensez directement à vous réhydrater (un verre d’eau pure, jus de citron, sucre et sel). La prise d'un antidiarrhéique peut être utile. Si une amélioration se fait attendre, le voyageur pourra se soigner avec une boîte d’antibiotiques qu’il aura prévu avant son départ.” Le médecin conclut avec une phrase simple: “Cook it, peal it, boil it or forget it.(2)

Dans tous les cas, circuler en groupe et informer régulièrement son entourage sur son itinéraire limite également les risques, pour celui qui voyage, d'être perdu dans la nature.

(1) www.stpierre-bru.be, 02/535.33.43

(2)Cuisez-le, pelez-le, bouillez-le ou oubliez- le.

>> Plus d'informations pour bien préparer son voyage dans l'édition 2014 du Passeport santé de l'ASBL Question santé. Ce manuel pratique, qui renvoie à un site Web étoffé, détaille comment préserver sa santé sous d'autres latitudes. Brochure disponible sur simple demande à info@questionsante.be ou sur www.passeportsante.be

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