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Maladies chroniques (19 juin 2014)

> Consulter notre tableau des centres de traitement de la douleur chronique en Belgique

Douleurs chroniques : “J'ai si mal, docteur...”

© Marc Detiffe

Maux de dos, douleurs articulaires, vieilles cicatrices qui font souffrir, fibromyalgie… Des centaines de milliers de patients, en Belgique, vivent au quotidien avec des douleurs lancinantes. Leur prise en charge, globale plutôt que strictement médicamenteuse, s'organise enfin.

En Belgique, à peu près 940.000 personnes souffrent de douleurs chroniques. Soit 8,5% de la population. En termes scientifiques, cela signifie qu'elles éprouvent des douleurs généralement intenses à sévères depuis plus de six mois et que, malgré leur traitement, elles sont handicapées dans leur vie sociale en général, professionnelle comme familiale.

Ce genre de statistique a l'avantage de situer l'ampleur du problème: en gros, un adulte sur quatre est concerné dans notre pays! Mais l'estimation ne dit rien du parcours de combattant qui caractérise les personnes atteintes : non seulement elles sont régulièrement gênées dans leur mobilité et leurs activités quotidiennes du fait de la douleur mais, en plus, elles ne sont pas nécessairement reconnues dans leurs souffrances. Il arrive même qu'elles se voient reprocher par leur entourage, voire les soignants eux-mêmes, d’ “exagérer” ou de “psychosomatiser”. Lorsqu'elles finissent par aboutir dans un hôpital spécialisé dans le traitement de la douleur chronique (après neuf ans en moyenne, a-t-on observé aux Cliniques Saint-Luc à Bruxelles), elles se trouvent souvent confrontées à une liste d'attente de plusieurs mois, voire de plus d'un an. Usant, décourageant…

Davantage de centres spécialisés

Cette galère pourrait ne plus être qu'un mauvais souvenir. En juillet 2013, le gouvernement fédéral a en effet décidé de multiplier par quatre le nombre de “Centres multidisciplinaires de la douleur chronique” dans le pays. De neuf centres existants jusqu'alors, l'offre de soins est passée à 35 centres (voir tableau des centres de traitement de la douleur chronique en Belgique). Ainsi, la couverture géographique de la prise en charge hospitalière de la maladie est élargie considérablement(1). Il faut cependant bien reconnaître que toutes les équipes ne sont pas encore complètes ni rodées à la spécificité de l'approche préconisée par les experts et les pouvoirs publics.

Cette spécificité est qualifiée de “biopsychosociale”. Le médecin y occupe évidemment une place centrale, confirmant le diagnostic et gérant les prescriptions de médicaments antidouleurs. Mais son travail se complète de l'intervention d'un psychologue et d'infirmiers spécialisés en algologie (la science de la douleur), de même que celles d'un kinésithérapeute et d'un ergothérapeute; voire, dans certains cas, d'un assistant social. Au sein d'un travail d'équipe, tous ces intervenants pratiquent l'écoute active du patient et tentent de susciter sa participation concrète au traitement.

Face à la douleur chronique, le corps médical agit encore trop souvent par une réponse curative, très centrée sur les médicaments, explique le Dr Anne Berquin, chef de clinique à Saint-Luc (UCL, Bruxelles). Or il importe d'aider le patient à donner du sens à sa douleur dans le contexte socio-professionnel du moment, dans sa trajectoire de vie personnelle, notamment par rapport à diverses formes de stress. Ses attitudes et ses croyances envers la douleur ont leur importance, mais sans négliger aucunement la dimension biologique et neurologique. La première chose qu'il doit accepter, c'est qu'il n'existe quasiment jamais de solution miracle à son mal. Il doit d'abord réaliser qu'il doit ‘vivre avec’. Mais comment? Et avec quelles stratégies pour maximaliser son confort? C'est précisément ce que nous tentons de définir avec lui dans cette approche transdisciplinaire au cas par cas”.

L'algologie, trop méconnue

La réforme adoptée l'été dernier a par ailleurs abouti à l'installation, dans chaque hôpital du pays, d'une équipe algologique elle aussi multidisciplinaire. Son rôle : aider les équipes de soins de l'hôpital, notamment par la sensibilisation, à détecter les problèmes de douleur dès qu'ils se font jour, c'est-à-dire avant toute installation dans la durée. Ces équipes, plus légères mais dorénavant subventionnées en fonction du nombre de lits dans l'hôpital, devront nouer des collaborations avec les Centres multidisciplinaires.

Soutenu de longue date par le monde mutualiste, l'ensemble de cette réforme est une avancée très significative pour les patients, souligne Jacques Boly, membre de la direction médicale à la Mutualité chrétienne, il reste à espérer que la constitution des équipes – notamment le recrutement de psychologues motivés par cette approche, plus difficiles à trouver – pourra se finaliser au plus vite. Surtout, il importe de donner suite à d'autres recommandations émises par le secteur il y a quelques années. Parmi celles-ci, la nécessité impérieuse d'une sensibilisation de la médecine de première ligne à la douleur chronique : l'approche biopsychosociale doit démarrer dès le stade de la consultation du médecin spécialiste et, surtout, du généraliste”.

Jeunes médecins : une révolution ?

Autre nécessité : multiplier et harmoniser les offres de formation en algologie, tant pour les médecins que pour les autres intervenants. “L'algologie est encore cantonnée dans un statut de sous-spécialité de la médecine et n'est pas reconnue officiellement, déplore Anne Berquin. On assiste pourtant, depuis peu de temps, à des frémissements intéressants. On voit, par exemple, de jeunes médecins en formation s'indigner devant l'attitude de leur maître de stage, empreinte de paternalisme ou d'un refus de dialoguer avec leur patient. Cette jeune génération est capable d'entendre comment le patient vit en profondeur ses symptômes. Ces étudiants refusent la vieille dichotomie entre symptômes physiques et psychologiques. Ils ne doutent plus que leurs malades ont réellement mal, même si aucune radio ni aucun scanner ne peut confirmer l'existence d'un problème.” Avec d'autres, le Dr Berquin milite en faveur d'une formation spécifique à la douleur chronique dès la première année de master en médecine.

Reste, évidemment, la question clef du financement de la prise en charge générale de ce type de douleurs. Les consultations médicales ne sont rémunérées qu'au tarif d'une simple consultation, alors qu'elles durent entre 45 et 60 minutes. Lorsqu'elles se prolongent en dehors des centres, les séances de traitement psychothérapeutique ou d'hypnose (parmi d'autres techniques, plus légères, aidant à “s'extraire” de la douleur) restent à supporter en bonne partie par le patient. “Il est indispensable de mieux valoriser financièrement l'approche biopsychosociale, commente le Dr Berquin. Evidemment, cela peut être considéré comme ouvrir la boîte de Pandore. Car cette prise en charge globale de la personne va à contrecourant de la médecine classique, davantage centrée sur la ‘pièce défaillante à réparer ou à remplacer’. Plus difficile à mettre en place, cette médecine holistique n'en est pas moins infiniment plus riche. Pour le patient, mais aussi pour le praticien”.

//PHILIPPE LAMOTTE

(1) La douleur chronique est considérée en algologie comme une maladie à part entière.

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